AVRIL 1914 – AVRIL 2014 :
HOMMAGE À MARGUERITE DURAS
Découvrir Éric Bernard
Du 04/04/2014 au 17/05/2014
« Je crois parfois que toute mon écriture naît de là, entre les rizières, les forêts, la solitude. »
Marguerite Duras
Le projet « Marguerite Duras, Des journées entières en Indochine », est né d’une double rencontre : celle d’une oeuvre littéraire d’une infinie richesse et celle de civilisations orientales qui m ‘aimantent depuis mes premiers voyages en Chine. Sur mon chemin de photographe épris de littérature, ces deux univers esthétiques devaient presqu’inévitablement se croiser. Progressivement, je me suis aventuré dans les espaces mouvants de la genèse créatrice de l’auteur, dans les lieux mythiques de son Indochine sans cesse révisités par les livres et les films.
Marguerite Duras (1914-1996), née à Gia Dinh, un faubourg de Saigon, a en effet passé son enfance et son adolescence dans le Vietnam et le Cambodge actuels. Alors sous administration coloniale française, ces deux pays constituaient la majeure partie de l’Indochine. Elle a été profondément imprégnée par ce territoire tropical et mystérieux aux moeurs étranges, « une patrie d’eaux », lieu de son éveil à la vie et de son épanouissement de jeune fille. En prenant « le large de la littérature », elle puisera sans cesse dans ses souvenirs indochinois pour s’engager dans l’inconnu de l’écriture : Un barrage contre le Pacifique (1950), Le Vice-consul, Le ravissement de Lol V. Stein, L’Amant (prix Goncourt 1984), L’Amant de la Chine du Nord, pour n’en citer que quelques-uns.
Bercé par cette petite musique durassienne, guidé par mes intuitions et mes déambulations, j’ai tenté de capter les fragments d’un univers mélancolique se diluant dans la vastitude du fleuve et des rizières et dans les ciels de mousson. Une immersion lente, en douceur, un peu hors du temps. A l’instar de ses romans et de ses films, j’ai souhaité suggérer un voyage en état de flottement, naviguant entre un passé qui remonte à la surface et un présent qui s’enfuit. C’est aussi un jeu permanent entre ses fictions et la réalité sublimée d’aujourd’hui, dans un monde à la fois intemporel et contemporain. Entre littérature et photographie, une dialectique s’installe, susceptible de nous emmener vers d’autres horizons imaginaires.
Eric Bénard
Exposition réalisée en partenariat avec le Musée Villa Montebello de Trouville-sur-Mer (14) et le laboratoire Central Dupon à Paris.
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Dans les bras du Mékong
« C’est la traversée du fleuve »…. j’étais enfant, 5 ou 6 ans tout au plus, je venais de Saïgon et il fallait prendre le bac pour atteindre notre destination Sadéc, la ville où je suis née. La traversée me semblait toujours périlleuse lorsque la Plymouth de mon père, trop grosse et trop basse, devait monter sur le « rafiot » : c’était dans un brouhaha de cris et d’encouragements que les autochtones poussaient ses grands ailerons blancs et rouges et miraculeusement tout se passait bien.
De l’autre côté nous attendait la maison à colonnades blanches, faisant face au fleuve, ce havre de paix dont on jouissait si peu car les troubles de la guerre nous en empêchaient.
Nous voici dans le Delta du Mékong aux bras multiples, on l’appelle Cuu Long, le delta des « Neuf Dragons ».
Le choix de l’argile rappelle les eaux boueuses, mes sculptures épousent et s’adaptent aux courbes sinueuses du fleuve qui s’étire en longueur, se divise en bras, comme tout le pays lui-même, telle une déambulation du dragon surgissant de l’eau et disparaissant.
L’atmosphère de ce grand jardin, ses lumières, ses parfums, le rythme du passage des barques, nourrissent sans doute l’esthétique que je tente d’exprimer dans mes sculptures.
Ses formes composées de longues vagues, allongées, ou dressées, aux couleurs sobres, libres et parfois retenues, finissent par se déployer et s’ouvrir à la terre et au ciel.
A mes yeux, chacune de mes pièces a sa propre force mais leur concentration leur confère une toute autre puissance…. en tout cas, je l’espère. »
Kathy Le Vavasseur